
Prince Eugène
Le visionnaire culturel de Vienne
Une vie guidée par la volonté
Né en 1663 à Paris, le prince Eugène de Savoie vient au monde dans une noble lignée italienne appauvrie. Destiné à la vie religieuse, il rêve pourtant d’une carrière militaire. Rejeté par la cour de Louis XIV – en raison, dit-on, de sa petite taille (1,54 m) et de la pression de sa mère ambitieuse – il décide de quitter la France à 20 ans. Selon la légende, il se serait enfui déguisé en femme.
Arrivé à Vienne, il est accueilli à bras ouverts par l’empereur Léopold Ier qui cherche alors de nouveaux talents pour son armée. Un choix décisif, qui marquera non seulement sa vie, mais aussi l’histoire de l’Europe centrale.
Stratège hors pair et mécène éclairé
Rapidement promu, Eugène devient l’un des plus grands chefs militaires de son époque. Mais au-delà des batailles, c’est son engagement pour les arts et l’architecture qui inscrit durablement son nom dans l’histoire autrichienne.
En commandant le palais du Belvédère – aujourd’hui un haut lieu de l’art à Vienne – il donne à la ville un joyau de l’époque baroque. Collectionneur passionné, il soutient les artistes, les architectes et les penseurs de son temps. Pour les Viennois comme pour les visiteurs d’aujourd’hui, son héritage artistique reste omniprésent.
L’héritage culturel du prince Eugène en un coup d’œil
Un destin en Autriche
C’est en Autriche que le jeune Eugène trouve enfin l’opportunité de se réaliser. Intégré dans l’armée des Habsbourg, il s’impose rapidement comme un stratège redoutable et loyal. Il devient un pilier militaire de l’Empire, défendant ses frontières et participant à la consolidation de son pouvoir en Europe centrale. Figure respectée à la cour, il s’illustre non seulement par ses victoires, mais aussi par sa vision d’un État fort, cultivé et influent. Dès lors, l’Autriche devient sa véritable patrie – celle où il déploiera son génie, tant militaire que culturel. Prinz Eugène est également considéré comme l’un des plus grands mécènes de l’histoire autrichienne. Son engagement envers les arts, l’architecture et la pensée éclairée a profondément marqué le paysage culturel viennois.
Un stratège européen au service des Habsbourg
En tant que commandant impérial, Eugène repousse les Ottomans au-delà du Danube et devient l'un des plus grands stratèges de son époque. Dans un contexte marqué par les conflits religieux, il est perçu comme le « sauveur de l'Europe chrétienne ». Une lecture aujourd'hui nuancée, mais son influence politique et militaire reste majeure. Sa réputation de héros contribue à sa notoriété, tout comme sa richesse, en partie héritée d'un titre d'abbé laïc obtenu à 15 ans.
Une vie d’esthète
Jamais marié, sans descendance, Eugène mène une vie personnelle discrète. Des rumeurs sur sa sexualité circulent dès son vivant. Aujourd'hui, il est reconnu comme une figure historique queer et fait partie des parcours de visites LGBTQ+ à Vienne.
Mais c’est par son goût pour la mise en scène et l’extravagance qu’il marque les esprits : il fait construire trois résidences grandioses – le Belvédère, le Palais d'hiver et le château de Hof – qui dépassent de loin les standards de son époque. Il investit des sommes colossales dans la décoration de leurs salons : tapisseries, étoffes précieuses, lustres étincelants, miroirs géants et fresques spectaculaires transforment ces espaces en théâtres du pouvoir.
Ses jardins, peuplés de plantes rares, de fontaines musicales, de volières et de ménageries exotiques, reflètent son esprit visionnaire et son besoin de distinction.
Le saviez-vous ? Eugène possédait un lion apprivoisé. Selon la légende, il aurait rugi au moment de la mort du prince en 1736.
Le Belvédère, d’hier à aujourd’hui
Après la mort d’Eugène, le Belvédère devient en 1777 l'un des premiers musées publics du monde. Ce palais baroque accueille aujourd’hui :
La plus grande collection de Gustav Klimt, dont Le Baiser
Des chefs-d’œuvre de Cranach, Schiele, Kokoschka ou VALIE EXPORT
Des expositions contemporaines renouvelées
Avec ses jardins, ses salles fastueuses et sa programmation artistique, le Belvédère est un lieu vivant, où le passé dialogue avec le présent.
Sur les traces du prince Eugène
Remontez le temps en visitant les deux ailes du palais du Belvédère à Vienne. Le Belvédère inférieur – où Eugène passait ses étés – offre un regard intime sur son quotidien. Le Belvédère supérieur, autrefois en dehors des remparts, accueillait réceptions somptueuses et bals éclatants.
Au-delà des collections du musée, les éléments architecturaux baroques méritent toute votre attention : l’escalier d’apparat, la salle de marbre, ou encore le cabinet doré vous plongent dans l’art de vivre fastueux du XVIIIe siècle.
Et pour une pause contemplative : les jardins à la française, parsemés de sculptures classiques et contemporaines, invitent à la flânerie – avec vue panoramique sur la vieille ville, le fameux Canalettoblick.
Une balade entre héritage et mémoire
Marchez depuis le Belvédère en direction du centre-ville : le long du parc, jusqu’à la Karlsplatz, puis franchissez le Ring et rejoignez la Himmelpfortgasse 8. Vous y découvrez le Palais d’hiver d’Eugène – aujourd’hui ministère fédéral des Finances, non accessible au public.
Sa façade baroque et son portail majestueux témoignent de la grandeur du lieu. Non loin de là, la cathédrale Saint-Étienne abrite une chapelle dédiée au prince. Son tombeau y est décoré d’une pyramide et de bas-reliefs illustrant ses grandes victoires.
À quelques pas, sur la Heldenplatz, le monument équestre d’Eugène trône fièrement. Inauguré en 1865 par François-Joseph Ier, il rappelle son rôle de stratège hors pair. Les inscriptions sur le socle évoquent ses campagnes majeures – un hommage à son empreinte dans l’histoire européenne.