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    • Egon Schiele, Autoportrait aux fruits de lampions, 1912
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    Egon Schiele et ses beaux paysages mélancoliques

    27,6 millions d’euros, soit le plus haut montant jamais atteint aux enchères par une peinture signée Egon Schiele. C’était chez Sotheby’s à Londres en 2011. Or ce tableau n’était pas un des fameux nus de Schiele, mais un paysage. Certes, le peintre est surtout connu pour ses portraits et ses corps étranges. Mais ses représentations de la nature intéressent de plus en plus.

    Biographie d'Egon Schiele

    Le peintre autrichien Egon Schiele voit le jour en 1890 dans la petite ville de Tulln, dont les paysages inspireront son œuvre mélancolique. En 1906, il entre à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne où l’enseignement académique ne lui sied guère. Il s’entoure alors d’un groupe d’artistes indépendants et explore l’art nouveau, l’avant-garde et le symbolisme sous l’influence de Gustav Klimt. Souvent critiqué pour les thèmes qu’il aborde dans ses toiles, Schiele n’accédera à une reconnaissance internationale qu’à partir de 1913, en contribuant à des revues et en participant à des expositions à travers l’Europe. La guerre coupe cependant l’artiste dans son élan et, peu de temps après la mort de Klimt, Egon Schiele contracte la grippe espagnole avant d’y succomber en octobre 1918.

    Egon Schiele et l’expressionnisme viennois

    Affecté de manière profonde et indélébile par la mort de son père alors qu’il n’a que 14 ans, Schiele produit des tableaux introspectifs, caractérisés par des traits durs, empreints de mélancolie. Ses autoportraits, où règne une atmosphère parfois inquiétante, le représentent dans des attitudes qui laissent transparaître son état d’esprit.

    Le milieu de l’avant-garde est propice au travail du peintre autrichien Egon Schiele, ses peintures s’inscrivant tout à fait dans les canons de l’expressionnisme viennois. De ses portraits tourmentés, à ses tableaux érotiques, en passant par ses représentations de villes désertées, l’artiste s’illustre à travers des œuvres qui suscitent la réflexion.

    Des paysages à fleur de toile

    Vue sur Krems et le Danube / Krems
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    Egon Leo Adolf Ludwig Schiele est né en 1890 à Tulln, près de Vienne. Vignobles en terrasse, églises à clocher bulbeux, somptueuses abbayes baroques avec vue sur le Danube, toute la région a des allures de carte postale. Autant d’aspects idylliques qui transparaissent pourtant fort peu dans l’œuvre de Schiele. Plusieurs de ses paysages véhiculent au contraire une sombre mélancolie. Peut-être était-ce pour le jeune Egon une façon de faire son deuil après la mort précoce de son père : il a alors 14 ans, et cette perte l’affecte profondément. En 1913, l’artiste écrit à son ami et beau-frère Anton Peschka : « […] je ne sais qui saurait comprendre pourquoi je cherche justement les lieux où fut mon père, où je laisse sciemment libre cours à ma douleur et à la nostalgie, de longues heures durant. [...][L]e souvenir, plus ou moins intriqué, je le porte en moi. » À moins qu’il n’ait souhaité rompre avec la peinture traditionnelle, si charmante, pour tester des chemins nouveaux, avant-gardistes ? Car, enfin, il s’agissait de s’affranchir des grandes machines historiques de la période Hans Mar kart, trop ampoulées aux yeux de notre peintre progressiste.

    Souvent, ses gouaches montrent des maisons alignées, collées les unes aux autres, des rues toutes en coins et recoins, une profusion de toits. On y reconnaît aussi les rives du Danube, vues depuis de petites bourgades. Montagnes verdoyantes, forêts rivulaires baignées de lumière et feuillages automnaux ont également inspiré l’artiste. Jamais en revanche aucun être vivant. D’où cette impression de solitude, d’abandon, voire de légère morbidité. Les paysages de Schiele enrichissent son œuvre d’une facette essentielle. Ils soulignent que le choix bien tranché de peindre soit la nature, soit un personnage, est une décision très particulière.

    Verena Gamper, commissaire d’exposition au Musée Leopold, explique même que, comme ses portraits, ses paysages eux aussi sont mis en scène : « Il insuffle à ses arbres et à ses fleurs quelque chose d’humain. Même les paysages urbains ont une forte connotation organique. Ce ne sont pas des architectures au sens traditionnel, avec lignes droites et arêtes vives. » V. Gamper précise qu’en donnant à voir des fleurs fanées, des arbres dénudés ou le soleil couchant, ses représentations de la nature mettent souvent à l’honneur le cycle de la vie.

    Egon Schiele privilégie le mélancolique, en commentant : « Au plus profond de son être et de son cœur, on ressent, en plein été, un arbre comme en automne, c’est cette nostalgie que je veux peindre. » En conséquence, les tons bruns dominent ; l’image est morcelée ; les arrière-plans sont travaillés. Toutes les œuvres de Schiele partagent un point commun : chargées en émotion, elles dégagent souvent un certain déchirement de l’âme.

    Corps et portraits

    Ses corps, Schiele les peint souvent avec des couleurs vives, massifs et isolés sur fond neutre. Il les esquisse à grands traits, se concentrant sur les contours.

    •                         Leopold Museum Vienne - Egon Schiele / Musée Leopold
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      Autoportrait en chemise, 1910

      Musée Leopold Vienne
    •                         Egon Schiele, Portrait Wally Neuzil, 1912
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      Portrait Wally Neuzil, 1912

      Musée Leopold Vienne

    Les débuts

    Egon Schiele, Trains (dessin d'enfant), ca. 1900, Inv.-Nr. 304961
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    La fascination pour les trains

    Egon a d’abord crayonné des trains, son premier thème de prédilection. Fils de chef de gare, il grandit entouré de trains et de locomotives, un univers qui influence son art très tôt. La famille vit dans l’appartement au-dessus de la gare, à Tulln, ce qui laisse au jeune Schiele le loisir d’observer la circulation ferroviaire depuis la fenêtre. Dès sa petite enfance, il passe des heures à dessiner les convois, dessin et peinture étant ses activités préférées. Plus grand, sa passion ne faiblit pas, au point de compromettre ses résultats scolaires : l’écolier dessine même pendant les cours, ce qui agace les enseignants.

    Egon Schiele, Maisons sur la place de l'hôtel de ville de Klosterneuburg, 1908
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    Enfance à Klosterneuburg

    À 12 ans, Schiele entre au lycée de Klosterneuburg. Par chance, son professeur de dessin, Ludwig Karl Strauch, décèle son talent et l’encourage. À l’époque, Klosterneuburg compte une scène artistique très active. Egon Schiele, par l’intermédiaire de Strauch, découvre alors un monde inédit et rencontre d’autres artistes. Les années passées à Klosterneuburg, de 1902 à 1906, l’aident à affirmer sa vocation professionnelle : il veut devenir peintre, c’est certain.

    Egon Schiele, La ville de Stein sur le Danube II, 1913 / Stein an der Donau
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    La région de la Wachau

    Adulte, Egon Schiele ne peint plus de trains. Il n’a d’ailleurs jamais été un grand voyageur, mais son amour pour le chemin de fer perdure. Une série de vues sur Stein an der Donau, au bord du Danube, témoigne de plusieurs séjours dans la vallée de la Wachau. L’endroit lui rappelle son enfance, puisque tout jeune, pendant un an, il a fréquenté l’école de Krems, où de longues randonnées lui ont fait découvrir les vignobles. Aujourd’hui, en prenant le train qui dessert la Wachau depuis la gare Franz-Josefs-Bahnhof à Vienne, le voyageur verra défiler la région d’origine de Schiele. A l'occasion d'une halte à Tulln il pourra visiter sa maison natale et le Musée Schiele.

    Bourgs sombres et vides

    Egon Schiele, Mödling II, 1918, Wien Museum Inv.-Nr. 243487
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    Les paysages de Schiele représentent souvent des bourgades moyenâgeuses. Outre Krumau, la ville tchèque d’où venait sa mère, on reconnaît sur ses toiles maints sites de Basse-Autriche. Ces nombreux indices attestent le fort attachement de l’artiste à sa patrie et sa préférence pour les villes de campagne. Schiele les peint presque à la manière d’un architecte-paysagiste. Pas étonnant, puisqu’il confie : « Si je n’étais pas peintre, [...] j’aurais aimé plus que tout être architecte. »

    Parc de biosphère de la Forêt viennoise / Vienne
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    Egon Schiele a toujours choisi de vivre dans des petites villes : d’abord à Krumau puis à Neulengbach dans le Wienerwald, en Basse-Autriche. Aujourd’hui comme hier, cette région vallonnée aux coteaux boisés offre des bourgades et des villages en pleine nature, et pourtant à proximité de Vienne. C’est sans doute ce qui a convaincu Schiele, en quête d’une meilleure qualité de vie. Le peintre s’y est en effet retiré pour profiter des grands espaces et travailler en paix, loin du tumulte de la capitale. Il écrit ainsi à son oncle : « […] je compte rester ici pour toujours, mon objectif étant de réaliser de grandes œuvres […]. » Preuve en est la création, à cette époque, d’importants tableaux comme Les Ermites, Paysage avec des corbeaux ou la Femme en deuil, ainsi que de nombreux paysages expressifs et de portraits d’arbre tels que l’Arbre d’automne dans le vent.

    Plus liberté sexuelle que pruderie bourgeoise

    Vienna - University
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    Études à Vienne

    Schiele débarque à Vienne à 16 ans pour étudier à l’Académie des Beaux Arts. Pour autant, l’enseignement conservateur l’ennuie très vite. Christian Griepenkerl, l’un de ses professeurs, n’est pas non plus impressionné par son élève : « Ne dites surtout jamais à personne que vous avez étudié chez moi ! » Après trois ans, le jeune peintre quitte l’Académie pour fonder avec quelques camarades le Neukunstgruppe, ou groupe pour l’art nouveau.

    C’est dans la capitale autrichienne qu’Egon Schiele fait des rencontres décisives : Gustav Klimt, son modèle et influence majeure, mais aussi Wally Neuzil, sa compagne et sa muse, puis Edith Harms, qui deviendra son épouse.

    Egon Schiele, Nu allongé sur le ventre, 1917
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    Libération des contraintes

    La Vienne de l’Art nouveau est un bouleversement culturel, une libération des contraintes morales loin de la pruderie bourgeoise. À la même époque, Sigmund Freud écrit Trois essais sur la théorie sexuelle. Dans cette atmosphère viennoise enfiévrée, Schiele trouve son style expressionniste si particulier. Ses représentations de la sexualité vont même en faire l’un des maîtres les plus provocateurs de son temps. En 1912, le quotidien Die Neue Presse écrit : « Ses errances comptent parmi ce qu’il y a de plus écœurant jamais vu à Vienne. » Ses corps et ses nus les plus grotesques – masculins comme féminins – choquent. Pourtant Schiele reste convaincu de son art : « Même les œuvres érotiques relèvent du sacré. »

    Mort

    Egon Schiele meurt à Vienne en 1918, à 28 ans, de la grippe espagnole, laissant une œuvre graphique variée. Sur la voie d’un succès tant désiré, il avait prédit : « Après ma mort, tôt ou tard, les gens me loueront et admireront mon art. »

    Ses peintures et ses dessins atteignent aujourd’hui des prix record dans les salles de vente internationales. La plus grande collection Schiele au monde se trouve au Musée Leopold, à Vienne. S’y ajoutent des pièces majeures au palais du Belvédère et à l’Albertina.

    Schiele dans les musées viennois

    Die größte und bedeutendste Egon-Schiele-Sammlung der Welt

    Musée Leopold à Vienne

    Situé dans le MuseumsQuartier, le Musée Leopold rassemble 42 peintures, 184 aquarelles, dessins et gravures ainsi que de nombreux manuscrits et recueils de Schiele. Cette collection, la plus importante au monde, fait partie de l’exposition permanente Wien 1900 – Aufbruch in die Moderne, sur la naissance de l’Art nouveau. Les visiteurs profitent d’un tour d’horizon complet de Vienne au tournant du XXe siècle, à travers des chefs d’œuvre de Gustav Klimt, Oskar Kokoschka, Koloman Moser ou encore l’artisanat d’art des Wiener Werkstätte.

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    •                         Musée Albertina, Vienne / Albertina, Vienne
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      Albertina

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    •                         Musée Belvedere / Belvedere
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      Belvedere

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    Sur les traces d’Egon Schiele en Basse-Autriche

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